— 2070 —
— Libria —
2020, le monde a vécu un terrible holocauste nucléaire : une troisième guerre mondiale avait éclaté. L’humanité ne pourrait survivre à une quatrième guerre… Les survivants, atterrés par leur propre déchéance, ont cherché à trouver un remède à l'inhumanité de l'Homme envers l'Homme. D'aucun pensèrent alors que ce qui conduit l'Homme à ces extrémités est sa faculté émotionnelle, sa capacité à ressentir, à désirer, à haïr. La nature volatile de l’homme, ne devait plus être mise en péril.
Ils proposèrent alors un remède simple mais efficace contre ce mal : le Prozium.
Le Prozium est une substance puissante qui a pour effet de neutraliser les sentiments, de ne plus permettre à la haine, à la violence et à la colère d'exister ... tout comme les nobles sentiments qui ne peuvent plus s'exprimer. Ainsi, amour, passion, joie, tristesse et toutes les autres formes de sentiments existants ont été « sacrifiés » pour permettre à la société de vivre en harmonie, en paix. Nous sommes alors à la fin des années 2020.
Ce Prozium, que tous prennent désormais sans réfléchir, dans un automatisme extrême, a permis à une société pseudo religieuse de s'installer. Ainsi, il existe une vraie société hiérarchisée autour de l'ordre des Tetra-Grammatons dont la tête est le Père et dont la main exécutive, les soldats de l'ordre, sont les Recteurs Grammatons.
Ces Ecclésiastes sont formés à la détection et l'éradication des déviants émotionnels (des rebelles qui refusent de prendre leur Prozium ou qui osent ressentir des sentiments et protègent des oeuvres d'art proscrites par le Tetra-Grammatons). Ils ont, pour les aider dans leur tâche, développé un art martial d'une terrible efficacité : le « Gun-Kata » qui leur permet d'êtres bien plus efficaces et meurtriers que tout autre belligérant tout en restant statistiquement en dehors des trajectoires les plus fréquentes de ripostes.
Cela leur permet de juguler la montée des rebelles, et même de les affaiblir, voire de les faire disparaître à courte échéance.
Au cours d'une « descente aux enfers » (comprendre « éradication d'un groupe de rebelles », les enfers étant le monde extérieur à la cité Libria, un monde qui dévasté, dernier témoin des guerres passées), John Preston, le plus haut gradé (et le plus doué puisque disposant d’une aptitude particulière : l’empathie anticipée, il ressent les émotions des autres avant que ceux-ci en ai eux-mêmes conscience) des Recteurs Grammaton, s'aperçoit que son coéquipier, Errol Partridge montre quelques signes d'une possible déviance émotionnelle. En parfait Recteur Grammaton, Preston le dénonce à son supérieur, et se charge de l'éliminer. Mais cet événement le perturbe quelque peu, malgré le Prozium.
Preston se retrouve alors avec un nouveau coéquipier, Peter Brandt et tout recommence comme avant... ou presque. Puis, un jour, Preston casse par maladresse son ampoule de Prozium et ne parvient pas à s'administrer sa dose à temps. Il commence alors à ressentir des émotions. Mais étant premier des Recteurs Grammaton, il ne peut pas le montrer sous peine de mort. Les sentiments qui l'assaillent - depuis qu'il a refusé de prendre sa dose - commencent à le pousser à la révolte contre le système.
C'est alors que Le Père décide de lancer la destruction totale et définitive de tous les déviants émotionnels.
— 2080 —
— Équilibria —
— La Nouvelle Libria —
Dix ans se sont écoulés depuis que la supercherie du Tetra-Grammatons a été dévoilée au grand jour. La cité se nomme désormais Équilibria. John Preston – qui est le bras vengeur de l’ancienne résistance – a permis une prise de conscience. Les usines de Prozium ont été détruite, l’ordre des Recteurs Grammatons est officiellement révolu. Peter Brandt n’est plus, le Père n’est plus, mais, contrairement à ce que l’on pensait, Errol Patridge demeure.
Mais la réalité, quelle est elle ?
Deux civilisations, deux « mondes » se confrontent au grand jour désormais.
Une partie de la population a retrouvé ses sentiments, les anciens membres de la résistance peuvent vivre aux grands jours. Ils ne sont plus considérés comme étant des déviants et de ce fait, ils ne se voient plus sous la menace d’une incinération et se font désormais nommer bien souvent les "Vivants". Ceux qui redécouvrent les sentiments connaissent progressivement une certaine adaptation. Renouer avec leur nature n’est pas une chose aisée.
La charge de John Preston est désormais de veiller aux intérêts des « Vivants ». Ces derniers, afin d’assurer leur pérennité, ont vu la nature leur offrir deux cadeau : une longévité bien supérieure à la moyenne, puisque l’un des plus anciens – Errol Partridge – va fêter ses 61 ans, mais son corps n’a pas bougé. Il semble toujours avoir 45 ans. Les retombées des explosions des usines de Prozium ont eu pour effet de les rendre insensible au temps tout être ressentant des émotions. Le second cadeau fut une acquisition non seulement d’une célérité peu commune, d’une force hors du commun, mais aussi, pour les plus « matures », de certains dons particuliers…
Le reste de la population a monté une usine clandestine de Prozium. Ils continuent de vivre de la même manière qu’ils le faisaient dix ans plus tôt. Ordre, discipline, similarité, et sentiments prohibés, sont leurs mots d’ordre. Si certain d’entre eux ont rejoints l’autre « clan », d’autres se sont convaincu du bien fondé des idées des premier et ont grossi leur rang. Ce semblant d’ordre, aujourd’hui illégal, vit en pleine clandestinité.
Mais alors, comment cohabitent-ils ?
Ils sont capturés par ceux qui furent jadis la résistance et qui se font appeler désormais les « Vivants ». Ils sont désormais contraints de ressentir toutes ces choses auxquelles ils ont renoncé. Les rôles sont inversés. Ils sont traqués et capturés. Il n’y a cependant aucune crémation comme jadis… Ils sont réduits à l’esclavage s’ils refusent de renouer avec les émotions. Devenus serviteurs ou cobayes pour les moins bien lotis, ils ne peuvent que plier sous le poids des sentiments.
Cependant, la nouvelle composition du prozium exige – pour les plus dépendants – un temps considérable de sevrage. Les doses injectées, se doivent d’êtres diminuées avant d’être supprimées, sous peine de voir le « patient » décéder.
À la tête de ce nouvel ordre ou désormais chasseur est proie et où proie est chasseur, un seul homme : John Preston. N’ayant jamais éprouvé de sentiments ou de sensations, il les découvre lentement un à un et apprend à les assumer autant qu’à les affronter. Le soulèvement pour parvenir à cette nouvelle air dans l’histoire de l’humanité, lui a coûté particulièrement cher : femmes en enfants ne sont plus. Si sa femme avait été tué par le Tetra-Grammatons du temps ou John ne ressentait aucune émotion, il en fut tout autre de sa descendance… Jamais il ne revit Errol Partridge, son ancien coéquipier. Par honte, ou appréhension… Nul ne le sait. Cet homme, ce John Preston n’est autre que moi…